Voiture électrique = Aberration écologique ?

Ceci est mon premier article de la catégorie « Divers », catégorie créée pour l’occasion car ce n’est pas vraiment le sujet de ce blog.

Etant passionné de nouvelles technologies et sensible à la cause environnementale je m’intéresse à la voiture électrique, même au point de me poser la question d’en acheter une pour remplacer mon véhicule thermique actuel.

Problème : je n’arrive pas à me faire un avis sur la question de l’impact environnemental d’une voiture électrique car j’entend tout et son contraire dans les médias et sur les réseaux sociaux. Les articles qui cite des sources sont rares.

J’imagine que je ne suis pas le seul à me poser cette question alors j’ai décidé de partager mes recherches et mes résultats. A chaque fois que j’utilise un chiffre je vous cite la source avec un lien direct.

Cet article est le résumé de nombreuses heures de recherches et j’espère que cela vous aidera à y voir plus clair.

Pourquoi je doute ?

Voici le cheminement par lequel je suis passé :

  1. Une voiture électrique ne produit pas de CO² quand elle roule
  2. MAIS l’électricité qui a servi à la recharger a pu en émettre
  3. MAIS en France l’électricité émet peu de CO² (grâce au nucléaire)
  4. MAIS la construction d’une voiture électrique émet plus de CO² que la construction d’une voiture thermique
  5. MAIS si on utilise la voiture électrique au-delà d’un certains nombre de kilomètre ça compense les émissions de sa construction.

Concernant les deux derniers points je trouve des sources dont les chiffres différent, voir même se contredise et cela donne l’impression qu’il n’y a pas de consensus sur la question. Certains site n’hésite pas à collaborer avec des entreprises pour écrire des articles orientés en utilisant des sources peu fiables, voir même carrément fausses. Tout cela fait planer le doute dans notre esprit.

Ce qu’il faudrait faire, idéalement pour tout, c’est prendre le temps de chercher des sources fiables pour faire les calculs en repartant de zéro.

Plan de recherche

Comme ce sujet reviens régulièrement sur la table des discussions je décide donc de creuser la question pour me forger mon propre avis en réalisant moi-même des recherches et des calculs. Afin d’avoir un avis objectif, basé sur des données scientifiques fiables.

Mon plan de recherche va être le suivant :

  1. Quantifier l’impact de la construction d’une voiture électrique
  2. Quantifier l’impact de l’usage d’une voiture électrique
  3. Quantifier l’impact de l’usage d’une voiture thermique
  4. Comparer les chiffres

Comme cet article est long les liens ci-dessus vous permette de naviguer à l’intérieur de l’article. Si vous êtes comme moi quand vous lisez un livre vous pouvez aller lire le dernier chapitre : Verdict.

1. Impact de la construction d’une voiture électrique

Afin de faciliter la comparaison avec un véhicule thermique je vais uniquement quantifier l’impact de la construction de la batterie et du moteur électrique.
Pour le reste de la voiture c’est la même chose qu’un véhicule thermique (roue, carrosserie, peinture, etc…).

La batterie

Bon alors pour commencer je cherche sur internet combien de CO² est émis pour la construction d’une batterie et je tombe sur des chiffres très différents selon les sources car le poids peut passer du simple au double selon le modèle de voiture (de 326kg pour une Renault Zoé à 600kg pour une Tesla model S) il va falloir que je me concentre sur un modèle en particulier.

Source : EDF – Poids des batteries des voitures électriques

https://izi-by-edf.fr/blog/voiture-electrique-poids-batterie/

Choix du modèle de voiture

Comme le problème des émissions de gaz à effet de serre est mondial je cherche le modèle le plus vendu au monde : c’est la Tesla Model 3.

Source : L’Argus – Top 10 ventes mondiales voitures électriques

https://www.largus.fr/actualite-automobile/voitures-electriques-le-top-10-des-ventes-mondiales-en-2022-30026940.html

Poids de la batterie

La batterie de moyenne autonomie de la Tesla Model 3 est composée de 3552 cellules qui pèse chacune 69 g, ce qui fait donc un poids total de 3552 x 69 g = 245 kg.
En plus des cellules de la batterie il faut également ajouter 56 kg de système électrique.
A noter : ce poids ne prend pas en compte l’armature structurelle de la batterie, ni les parois isolantes, ni le système de refroidissement.

Source : Wikipédia – Tesla Model 3

https://fr.wikipedia.org/wiki/Tesla_Model_3

Composition de la batterie

Maintenant que je sais combien pèse la batterie il faut que je trouve sa composition chimique. Cette batterie utilise la technologie « Lithium-ion ». Les proportions exactes utilisées par Tesla sont difficiles à trouver car jalousement protégées par le secret industriel mais dans les grandes lignes c’est à peu près cette répartition :

  • Nickel = 70%
  • Cobalt = 10%
  • Manganèse = 10%
  • Lithium = 10%

A cela il faut ajouter 56 kg de cuivre qui compose le système électrique.

Source : Flash battery – Chimie interne des batteries au Lithium

https://www.flashbattery.tech/fr/types-batteries-lithium-quelle-chimie-utiliser/

Impact de l’extraction des minerais

Comme on ne trouve pas de métaux purs dans la nature il faut sortir des quantités astronomiques de minerai puis les raffiner. Ce processus est très gourmand en eau et en produits chimiques toxiques très polluants. La quantité de déchet produite est colossale.
Exemple : il faut extraire 1 tonne de minerai pour obtenir 18 kg de nickel.

Voici les teneurs dans le sol des minerais utilisés dans la batterie :

  • Nickel = 1,8%
  • Cobalt = 1,1%
  • Manganèse = 30%
  • Lithium = 1,2%
  • Cuivre = 5%

Sources : Wikipédia – Gisement et extraction des minerais

https://fr.wikipedia.org/wiki/Extraction_du_nickel
https://fr.wikipedia.org/wiki/Extraction_du_cobalt
https://fr.wikipedia.org/wiki/Mangan%C3%A8se#Techniques_de_production
https://fr.wikipedia.org/wiki/Lithium#Gisements
https://fr.wikipedia.org/wiki/Extraction_du_cuivre

Donc maintenant que j’ai les proportions de métaux utilisés et le poids de la batterie je vais pouvoir en déduire la quantité exacte de minerai extrait.

Avec l’aide d’une feuille de calcul voici ce que cela donne :

MétalQuantité
batterie
Teneur (%)
dans le sol
Quantité
extraite
Quantité
déchet
Nickel171,51,89527,789356,28
Cobalt24,51,12227,272202,77
Manganèse24,53081,6757,17
Lithium24,51,22041,672017,17
Cuivre56511201064
Quantité (kg) de minerai extrait et de déchets miniers produits pour une batterie Lithium-Ion de 245kg.

Donc pour résumé nous devons extraire 15 tonnes de minerai pour produire une seule batterie de 245 kg.
Au passage nous avons produit 14,7 tonnes de déchets miniers. Cette valeur ne comprend pas la quantité d’eau et produits chimiques de raffinage.
J’ai été généreux sur la teneur en cuivre car j’ai utilisé la valeur la plus élevée que j’ai trouvé. Sachez que la teneur dans le sol des nouvelles mines de cuivre est plutôt autour de 0,9%, donc 5 fois pire en terme de déchets produits.

Maintenant il faut calculer l’émission de CO² pour chaque minerai. Pour cela on applique un coefficient multiplicateur qui nous donne pour un kilo de minerai extrait combien de kg de CO² sont émis :

MétalQuantité
batterie
Kg CO² / kgQuantité CO²
total
Nickel171,5111886,5
Cobalt24,5373,5
Manganèse24,529710,5
Lithium24,511269,5
Cuivre564224
Quantité (kg) CO² émis pour l’extraction des minerais d’une batterie.

Maintenant il y a plus qu’à faire une addition des quantités de CO² de tous les minerais. Cela donne 3,164 tonnes de CO².

Source : France Stratégie – Externalité carbone des métaux

https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/fs-2020-na96-externalite-carbone-metaux-octobre.pdf

Le moteur

Le moteur d’un V.E. étant essentiellement constituer de cuivre je vais pouvoir utiliser les valeurs de mon tableau précédent. Après un recoupement de plusieurs sources je trouve qu’en moyenne il faut 90kg de cuivre.
Cela donne : 360 kg de CO² et 1,7 tonnes de déchet minier.

MétalQuantité
batterie
Teneur
sol
(%)
Quantité
extraite
Quantité
déchet
Kg CO² / kgQuantité
CO² total
Cuivre905180017104360
Quantité (kg) de CO² émis et de déchets miniers produits pour l’extraction du cuivre d’un moteur électrique.

Source : Automobile propre – Impact des voitures électriques sur le marché du cuivre

https://www.automobile-propre.com/boom-voiture-electrique-impact-marche-cuivre/

Bilan de l’impact de la construction d’une voiture électrique

  • Quantité de CO² émis : 3,524 tonnes
  • Quantité de minerai extrait : 16,798 tonnes
  • Quantité de déchets miniers produits : 16,407 tonnes

Incertitudes

Il reste quelques incertitudes sur certains points que je n’ai pas pris en compte :

  • Déchets miniers produits : n’est pas prix en compte la consommation d’eau et la pollution environnementale causée par le traitement des minerais et le stockage des déchet.
  • Création de la batterie : n’est pas prix en compte l’énergie utilisée pour la création de la batterie. Si la batterie est produite en Chine ce n’est pas le même impact que si elle est construite en France.

2. Impact utilisation voiture électrique

Le modèle de voiture électrique choisi consomme 16,9kW / 100km.

Source : Mobilité verte – Autonomie Tesla Model 3

https://mobiliteverte.engie.fr/conseils-et-actualites/vehicule-electrique/autonomie-tesla-model3.html

La quantité de CO² émis par kW en France (année 2023) est de 32 grammes.

Source : RTE – Bilan électrique 2023

https://analysesetdonnees.rte-france.com/bilan-electrique-2023/emissions

Donc une simple multiplication nous donne : 540,8 gCO² / 100km.

Ici je néglige la pollution liée à l’usure plus importante des pneus sur un véhicule électrique pour me focaliser uniquement sur la pollution atmosphérique (CO²).

3. Impact utilisation voiture thermique

D’après les chiffres officiels de l’ADEME une voiture thermique émet en moyenne 97g CO² par km. Donc 9,7 kgCO² / 100km. Soit 20 fois plus qu’une voiture électrique.

Source : ADEME – Evolution taux CO² des voitures thermiques

https://carlabelling.ademe.fr/chiffrescles/r/evolutionTauxCo2

4. Comparaison et verdict

Ça y est! Après des heures passées à écumer internet à la recherche de sources fiables, à faire des recoupement des données et à faire des feuilles de calcul, j’arrive enfin au moment de la comparaison.

Comparaison

Voiture thermiqueVoiture électrique
Emission à la construction0 (*)3524
Emission pour 100km9,70,54
Total après 10 000 km9703578
Total après 20 000 km19403632
Total après 30 000 km29103686
Total après 40 000 km38803740
Total après 50 000 km48503794
Comparaison émission de CO² (en kg) entre voiture thermique et électrique en prenant en compte la construction du véhicule.

(*) Bien entendu la construction d’une voiture thermique n’est pas nulle en émission de CO² mais ici on compare uniquement avec la construction de la batterie et du moteur d’un V.E. Tout le reste du véhicule est similaire.

Verdict

En prenant en compte sa construction, la voiture électrique émet moins de CO² qu’une voiture thermique à partir de 40 000 km d’utilisation.

Nuances

Cela ne doit pas occulter la pollution engendrer par les déchets miniers qui sont absolument massifs sur notre environnement. Je vous rappel que la construction d’une seule voiture engendre 16 tonnes de déchets hautement toxique pour la nature.

L’impact de la construction d’une voiture électrique est sous-estimé dans mon étude car je ne prend pas en compte les paramètres suivants :

  • Poids de la structure porteuse de la batterie
  • Poids du système de refroidissement de la batterie
  • Quantité d’eau consommée pour le raffinage des minerais
  • Quantité de produits chimiques consommés pour le raffinage des minerais
  • Impact du traitement des déchets miniers et des produits de raffinage
  • Quantité de CO² émis pour la construction et l’assemblage des cellules de la batterie

En supposant que vous fassiez 10 000 km par an, il vous faudra tout de même 4 ans pour polluer autant qu’une thermique et 9 ans pour polluer 2 fois moins.

La meilleure solution pour l’environnement est de se passer de voiture, ou d’en limiter l’usage dans la mesure du possible, en la remplaçant par un vélo électrique par exemple pour les courts et moyens trajets et en utilisant les transports en commun pour les trajets longs.


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